Afin d’améliorer la qualité de vie des patients souffrant de douleur chronique, la Haute Autorité de santé, en partenariat avec le Collège de médecine générale (CMG) et la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD), publie un guide sur le parcours de santé permettant d’apporter une réponse graduée et adaptée à chaque personne. L’objectif est de renforcer la prévention, d’améliorer les délais et de favoriser la coordination de l’ensemble des acteurs impliqués dans cette prise en charge. Ce parcours donne une place prépondérante à la médecine de ville, à sa collaboration avec les structures douleurs chroniques ainsi qu’à la juste mobilisation des services hospitaliers de spécialité. Le niveau de recours aux soins est déterminé par les besoins du patient.
Pathologie qui touche plus de 12 millions de Français, la douleur chronique est définie comme une douleur persistante ou se reproduisant pendant plus de 3 mois¹. La douleur chronique altère la qualité de vie des personnes qui en souffrent et impacte fortement la vie de l’entourage. Elle a des retentissements importants tant sur le plan physique, psychologique, social que professionnel ou scolaire, et elle est source de handicap.
Si les trois plans nationaux de lutte contre la douleur (1998 à 2010) ont permis de progresser, la prise en charge de la douleur chronique et la formation des professionnels sont encore à améliorer. En effet, les délais de prise en charge restent trop importants au regard des critères internationaux. À ce jour, on estime que 70 % des patients n’ont pas de prise en charge adaptée. Par ailleurs, des inégalités territoriales d’accès aux soins spécialisés persistent, notamment pour les populations les plus vulnérables. Or, plus la prise en charge est tardive plus la situation est complexe et les possibilités d’amélioration limitées.
C’est dans ce contexte que la HAS, en partenariat avec le CMG et la SFETD, publie un guide parcours de santé de la personne présentant une douleur chronique et propose une nouvelle organisation des soins. Centrée sur les besoins du patient, cette organisation donne une place prépondérante aux professionnels de ville, et propose de créer une interface entre la ville et les structures spécialisées douleur chronique pour un soutien des professionnels de ville et une meilleure coordination entre la ville et l’hôpital.
L’objectif est de réduire le handicap, corollaire de la douleur, de prévenir une désinsertion sociale, professionnelle ou scolaire et d’améliorer la qualité de vie du patient.
La médecine de ville, pierre angulaire d’une prise en charge en trois niveaux
À travers ce guide, la HAS présente ainsi une prise en charge graduée en trois niveaux, en réponse à la complexité de la situation du patient. Chaque niveau propose des soins en équipe pluriprofessionnelle et pluridisciplinaire.
Amenés à prendre en charge le plus grand nombre de patients, les professionnels de santé de premier et second recours en ville constituent ainsi le premier niveau de prise en charge de la douleur chronique. Le médecin traitant est le coordonnateur et responsable de ce parcours, il s’appuie sur une équipe de soins primaires qui comporte idéalement, outre le médecin traitant, un infirmier, un masseur kinésithérapeute, un pharmacien et un psychologue, et mobilise si nécessaire des médecins spécialistes de ville.
La HAS préconise de créer une interface ville/hôpital (niveau 1 / niveau 2)
En cas de difficulté rencontrée au premier niveau de prise en charge, le médecin traitant peut solliciter le soutien des Consultations d’évaluation et de traitement de la douleur de leur territoire. Hautement qualifiées pour la prise en charge de la douleur chronique, ces structures peuvent soutenir la médecine de ville au moyen d’une interface qui s’appuie notamment sur des services de télésanté : hotline dédiée, téléconsultations, téléexpertises, réunions de synthèse pluriprofessionnelles et réunions de concertation pluridisciplinaires en visioconférence, outils de partage des données et services de partage et de diffusion des savoirs. A terme, cette interface doit permettre la prise en charge de plus en plus complexe de patients douloureux chroniques par les médecins en ville et une meilleure coordination avec le deuxième niveau. |
Pour les patients souffrant de douleurs chroniques rebelles qui ne répondent pas aux traitements bien conduits en niveau 1, le médecin fait appel au deuxième niveau de prise en charge. Le patient est adressé pour un diagnostic, une évaluation ou une prise en charge spécifique soit vers une Consultation d’évaluation de traitement de la douleur chronique, qui est en capacité de prendre en charge tout type de douleur chronique, soit vers un service hospitalier de spécialité selon le type de douleur chronique (par exemple en neurologie pour une céphalée chronique ou une douleur neuropathique, en rhumatologie pour une douleur chronique musculosquelettique, etc.).
Lorsque les patients présentent des situations trop complexes pour une prise en charge de deuxième niveau, ils peuvent être orientés vers un Centre d’évaluation et de traitement de la douleur chronique pour une réunion de concertation pluridisciplinaire, une évaluation complémentaire ou un acte technique spécifique réalisable uniquement en niveau 3, ou une hospitalisation.
Quel que soit le niveau de prise en charge, il est essentiel que le médecin traitant continue de suivre ses patients et d’assurer la coordination de ses soins.
Un parcours centré sur les besoins du patient
La HAS rappelle que la prise en charge d’une personne présentant une douleur chronique doit être élaborée et mise en œuvre avec son accord et sa participation. Cette prise en charge peut en effet nécessiter un changement de son mode de vie, un reclassement professionnel ou un engagement dans un nouveau projet de vie.
La HAS considère qu’un accompagnement par des professionnels est nécessaire pour maintenir voir renforcer l’autonomie du patient, l’aider à gérer lui-même sa maladie et ses traitements et le soutenir dans ses changements de mode de vie. Le médecin doit savoir s’appuyer sur les aidants et les familles pour les patients fragiles ou dyscommunicants, en particulier les personnes âgées dépendantes et les personnes en situation de handicap physique, sensoriel, psychique ou intellectuel.
¹Definition de l’International association for the study of pain task force on wait-times (IASP)